Médecin au service de médecine interne et de maladies métaboliques à Allô Docteur-Abidjan, une association de médecins basée à Abidjan, Douala et Yaoundé, Docteur Nanko Tonda Josué nous fait part, dans cette interview, de toutes les caractéristiques pouvant être liées à ces deux (2) hémoglobinopathies de manière globale. Il profite également de l’occasion pour rappeler aux un(e)s et aux autres, la nécessité de se faire diagnostiquer le plus tôt possible afin de pouvoir bénéficier d’une prise en charge, d’un traitement et d’un suivi beaucoup plus efficient surtout si la personne, à l’issue de ce diagnostic, a finalement découvert qu’elle est confrontée à des thalassémies ou encore à la drépanocytose.
Docteur, d’emblée, que pouvez-vous nous dire au sujet des thalassémies et de la drépanocytose ?
Les thalassémies et la drépanocytose appartiennent à un groupe de maladies qu’on appelle les hémoglobinopathies. Ce sont des anomalies de l’hémoglobine qui est une protéine contenue dans les globules rouges dont le rôle est le transport de certains gaz du sang dont l’oxygène. Les thalassémies sont la conséquence d’un défaut de synthèse d’hémoglobine résultant d’une insuffisance de production d’une chaîne composant l’hémoglobine. La drépanocytose est une anomalie structurelle de l’hémoglobine, aboutissant à la synthèse d’une hémoglobine de mauvaise qualité qui va entraîner des dysfonctionnements à l’origine des symptômes observés. Ces maladies sont génétiques et héréditaires, c’est-à-dire qu’elles sont transmises des parents aux enfants par les gènes.
Comment ces deux (2) hémoglobinopathies se manifestent-elles dans l’organisme ?
Il existe plusieurs formes de thalassémie (alpha thalassémie, beta thalassémie, bêta-delta-thalassémie) les manifestations observées sont variables en fonction du type de thalassémie. Certain(e)s patient(e)s peuvent être asymptomatiques, d’autres vont présenter une anémie, un ictère (coloration jaunâtre de la peau et muqueuses), une splénomégalie (augmentation du volume de la rate), un retard de croissance chez les enfants, des anomalies au niveau du crâne, plusieurs anomalies en rapport à une quantité de fer importante dans le sang (surcharge secondaire en fer), des signes infectieux à répétition. Les symptômes principalement rencontrés au cours de la drépanocytose sont l’anémie, les douleurs ostéoarticulaires, les douleurs thoraciques, le priapisme (érection prolongée et douloureuse), des signes en rapport avec des infections à répétition, des lithiases biliaires, les Accidents Vasculaires Cérébraux (AVC).
Quelles sont donc les nuances existantes entre ces deux (2) hémoglobinopathies de manière pratique ?
Au regard de la multitude de signes et symptômes que ces deux pathologies ont en commun (bien que chacune de ces pathologies ait aussi certaines manifestations cliniques particulières), les nuances seront surtout biologiques faisant ressortir, par exemple, le type d’anémie (qui peut être variable en fonction qu’il s’agisse d’une thalassémie ou de la drépanocytose), l’électrophorèse de l’hémoglobine.
Quels sont les causes liées principalement à ces deux (2) hémoglobinopathies ?
Les thalassémies sont la conséquence d’un déficit total ou partiel de synthèse des chaînes de l’hémoglobine. Ce déficit sera à l’origine d’anomalies telles qu’une baisse de la production de l’hémoglobine, une diminution de la durée de vie des globules rouges, une destruction des cellules précurseurs des globules rouges qui seront responsables des signes et symptômes observés. La drépanocytose est la conséquence d’une anomalie au niveau de la chaîne bêta de l’hémoglobine, ce qui sera responsable d’anomalie structurale de l’hémoglobine diminuant la plasticité des globules rouges, ce qui est susceptible de perturber la circulation sanguine capillaire dans certaines situations (hypoxie, froid, fièvre, déshydratation, stress…). Les globules rouges malformés sont détruits précocement. Ces différents mécanismes sont à l’origine des différents signes et symptômes.
Quelles sont les complications pouvant résulter de ces deux (2) hémoglobinopathies surtout lorsque la personne concernée n’est pas encore consciente de son statut ?
Les personnes atteintes de ces maladies sont fréquemment sujettes à des anémies et différentes infections sévères qui peuvent être fatales. Les personnes drépanocytaires vont présenter des crises vaso-occlusives dont les conséquences peuvent être irréversibles (priapisme par exemple qui peut entraîner une dysfonction érectile irréversible).
Que faut-il faire afin d’en être conscient le plus tôt possible ?
Le diagnostic de certitude de ces hémoglobinopathies repose sur la réalisation d’analyses de sang. L’électrophorèse de l’hémoglobine est l’examen qui permet de dépister des anomalies au niveau de l’hémoglobine. Un dépistage anténatal au cours de la grossesse est aussi possible afin de connaître le statut de l’enfant.
Qu’en sera-t-il de la prise en charge, du traitement et du suivi une fois que la personne concernée est maintenant au fait de son statut à ce niveau ?
La prise en charge de ces deux (2) pathologies en général se fait tout au long de la vie. Concernant la drépanocytose, il s’agit de prévenir les crises et infections, soulager les symptômes, prévenir et contrôler l’anémie. S’agissant des thalassémies, la prise en charge dépend de la gravité des symptômes présentés. Elle consiste habituellement à prévenir et corriger l’anémie, prévenir des complications en rapport avec le traitement (lutter contre la surcharge en fer), lutter contre les infections.
Quelle(s) attitude(s) doivent adopter cette personne et/ou ses proches afin de mieux gérer cette situation ? (Thalassémies comme drépanocytose)
Les personnes atteintes de thalassémie et de drépanocytose doivent être prudentes vis-à-vis de leur santé. Il s’agit surtout de respecter les différentes consignes données par le médecin concernant le mode de vie, les prises médicamenteuses ou tout autre procédé thérapeutique. Il est recommandé de signaler rapidement toute anomalie au médecin afin d’anticiper certaines complications. Les proches doivent être éduqués par rapport à ces pathologies et apporter un soutien multiforme aux personnes atteintes pour améliorer leur qualité de vie. Enfin, nous encourageons chacun(e) à faire un test de dépistage pour connaître son statut.
Interview réalisée par Ange Carmelle OBOUE avec Cédric KOIVOGUI